Au fur et à mesure que les jours passaient, l’espoir s’amenuisait et l’issue devenait inéluctable. La nouvelle est finalement tombée, mercredi 22 décembre, à six semaines de l’ouverture des Jeux olympiques : les joueurs de la Ligue nationale de hockey sur glace (NHL), le championnat nord-américain, ne participeront pas aux JO de Pékin. Le gratin du hockey mondial était pourtant attendu avec impatience en Chine, notamment parce que la NHL avait déjà fait l’impasse sur les JO de 2018 à Pyeongchang, en Corée du Sud.
Confrontée à une augmentation du nombre de cas de Covid-19 dans les clubs – et ce malgré un taux de vaccination de quasiment 100 % de ses joueurs –, la Ligue a dû reporter une cinquantaine de matchs, et a même décidé d’avancer sa trêve de Noël de quelques jours pour limiter la propagation du virus. Dans ces conditions, faire une pause olympique de trois semaines compromettait ses chances de remettre son calendrier à jour.
La NHL a donc activé le levier qui lui permettait, avant le 10 janvier, de se rétracter sans pénalité financière. « Notre priorité est et doit rester de mener à bien notre saison régulière et les playoffs NHL de la meilleure des façons. C’est pourquoi nous allons utiliser le créneau du 6 au 22 février dévolu initialement à la participation aux Jeux olympiques pour reprogrammer les matchs qui ont été reportés ou qui vont l’être », a expliqué le patron de la NHL, Gary Bettman, qui a vu les deux dernières saisons amputées drastiquement par la pandémie. Pas question de vivre une troisième année tronquée ou une nouvelle fois décalée.
Des intérêts divergents
Le coup est dur pour le Comité olympique (CIO) et la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF), la présence des meilleurs joueurs de la planète sur la scène olympique représentant pour celle-ci un énorme vecteur promotionnel.
« Bien que nous soyons déçus d’apprendre cette décision (…), nous comprenons néanmoins parfaitement les circonstances qui ont forcé cette mesure à être prise », a déclaré Luc Tardif, le président franco-canadien, fraîchement élu, de l’IIHF, qui n’a d’autre choix que d’accepter ce retrait. « Nous nous attendons à ce que les joueurs de la NHL reviennent aux Jeux olympiques en 2026 », a promis Gary Bettman, que personne n’est obligé de croire.
Depuis 1998, la NHL autorise – à contrecœur – ses joueurs à disputer les JO. Mais ses discussions avec l’IIHF et le CIO se déroulent toujours sur un fil. Outre le risque d’y voir ses joueurs se blesser, les JO, qui plus est en Chine, n’intéressent pas vraiment les clubs et la Ligue. Déjà en 2018, le marché sud-coréen n’avait pas trouvé suffisamment grâce aux yeux de Gary Bettman pour donner son feu vert. « Pourquoi sommes-nous allés cinq fois [aux JO] ? Cela semblait être une bonne idée à l’époque, mais nous n’avons pu en retirer aucun bénéfice », avait alors affirmé le patron de la NHL.
La Ligue a même organisé en 2016 une Coupe du monde réunissant ses meilleurs joueurs sous le maillot de leur sélection respective. Une compétition censée se dérouler tous les quatre ans… comme les Jeux olympiques ! La pandémie a évidemment sonné le glas de l’édition 2020.
Cette fois-ci, en raison du risque de contamination au Covid-19, des doutes avaient commencé à poindre sur la pertinence d’envoyer les joueurs de NHL aux JO. Certains s’imaginaient mal rester bloqués en Chine plusieurs jours – voire semaines – supplémentaires en cas de test positif. « J’ai quatre enfants, et pour moi, être potentiellement enfermé là-bas pendant cinq semaines, plus les Jeux olympiques, c’est une longue période loin de ma famille », a déclaré Alex Pietrangelo, champion olympique en 2014 avec le Canada.
Déception et frustration
Si les clubs voient leur intérêt triompher, la déception est grande pour la majorité des joueurs. « Ça craint, tout le monde était impatient, a admis l’Américain Kyle Connor. On avait bien insisté dans notre convention collective pour revenir aux JO. »
« Pour une raison ou pour une autre, la carte olympique n’a pas été en ma faveur. C’est nul, je n’aurai sûrement pas d’autre chance de le faire », a regretté le Canadien Steven Stamkos, 31 ans, qui avait déjà dû se résoudre à manquer les JO de Sotchi pour blessure en 2014. Et on imagine la frustration du buteur russe Alexander Ovechkin, 36 ans, qui pouvait prétendre intégrer le prestigieux et restreint « club triple or » (champion du monde, champion NHL et vainqueur des JO).
Pour les fans de hockey, c’est la douche froide. Les JO sont l’occasion d’assister à des confrontations épiques, et donnent l’opportunité de voir les meilleurs joueurs évoluer ensemble. Avec le retrait de la NHL, le rêve de voir la perle Connor McDavid associée à la légende Sidney Crosby, double champion olympique, s’est envolé. « Je suis vraiment désolé pour ceux qui ont raté plusieurs occasions d’y aller, cette expérience n’arrive pas souvent dans une carrière », a commenté, avec compassion, Sidney Crosby.
Pour compenser l’absence de ces stars, les nations vont envoyer des joueurs de ligues nord-américaines mineures, ou de championnats européens. Mais malgré le prestige de la compétition, certains ne veulent pas servir de cobaye. « Nous ne gagnons pas autant d’argent, nous ne jouons pas dans la plus grande ligue, mais le fait est que nous voulons aussi jouer dans des conditions justes et sûres », avance le Suédois Magnus Nygren, qui évolue en Suisse. « Nous ne voulons pas propager davantage l’infection, nous ne voulons pas être mis en quarantaine, que ce soit chez nous ou en Chine », alerte-t-il.
Le seul pays qui devrait accueillir avec le sourire cette nouvelle pourrait bien être… la Chine elle-même, dont l’équipe, qualifiée d’office, était promise à un naufrage en mondovision face au Canada et aux Etats-Unis. A tel point qu’un retrait avait même été évoqué il y a encore quelques mois.
La NHL regardera, elle, tout cela de très loin, et disputera, comme un pied de nez, son All-Star Game (pourtant très dispensable) durant le premier week-end des JO, le 5 février. Il se dit qu’elle pourrait décaler d’une semaine sa fin de saison régulière pour disputer les matchs reportés. La preuve que, quand elle veut, la NHL trouve des solutions.